jeudi 1 avril 2010

La terre du milieu.


J'étais nez enfoui dans mes livres et manuscrits quand elle est entrée, son épée à la main, maculée encore de sang, et vêtue de son armure étincelante jonchée de tâches d'origine diverses qu'elle ne cesse d'accumuler bataille après bataille.
Elle retira son casque en acier trempé que portait jadis son père dans un calme quasi religieux libérant sa longue chevelure de feu qui m'a fait toujours rêver.
- "Tu es encore la ?" disait-elle dans un ton limite sarcastique que sa douce voix n'arrivait pas à imiter.
- "je t'attendais" répondis-je
J'ai dû utiliser mon esquive traditionnelle fuyant en vain le reste d'interrogations qu'elle pouvait me porter.

- Mon cher Azky m’attendait ! Pour quoi faire ? Tu es toujours en attente de je ne sais quoi.
- Pourquoi ne reste-tu pas alors à attendre avec moi ?
- Jamais tant que des gnolls sont vivants! Je ne saurais trouver de répit alors que la vie bat dans le corps de l'un d'eux.
- Mais tu en as déjà massacré grand nombre, Gwenäelle, n'est t'il pas temps que la paix règne sur cette terre ?
- Nous les elfes, notre destin est scellé, et nous nous devons d'exterminer cette race.
- Leur destin est scellé eux aussi.
- Que veux-tu dire ?
- Ils se doivent d'exterminer notre race.
- Tu le sais bien, nous sommes beaucoup plus puissant, beaucoup plus nombreux, et Elune notre déesse ne nous lâchera jamais, c'est une quête sacrée.
- Que son nom soit béni, j'ai pourtant épluché tous les livres, j'ai gratté tous mes manuscrits, et je n'ai trouvé trace de ta quête sacrée.
- Maudit soit-tu, comment oses-tu émaner de telles profanations ?

Ces yeux sont partis au rouge, je connaissais ce visage, j'ai été toujours amoureux d'elle depuis notre tendre enfance, mais elle était imprégnée de haine, de douleur, son obsession pour ces gnolls était sans limites.

J'ai baissé la tête en disant:
- Tu n'as pas lu un seul des livres que moi j'ai appris par coeur, tu ne connais rien d'Elune, ni de ses voies.
- Et toi tu n'as pas vu ce que les gnolls nous font, tu n'as jamais été dans un champ de bataille à les regarder décortiquer à coup de couteaux mal aiguisés ton frère d'armes devant tes yeux pendant que ses derniers hurlements te scient les oreilles.
- J'implore la perte de tous ceux qui nous défendent, mais je dédaigne la guerre, ne me racontes-tu pas ce que nous les elfes leur font ?
- Je te passe ces détails, rien n'apaise ma vengeance que la vue d'un gnoll éventré vif braisé sur la lave fraîche de notre saint volcan.
- Vengeance, quel mot horrible.
- Oui, vengeance ! , ils veulent s'emparer de la terre du milieu, notre terre à nous
- La terre c'est la terre, des races y viennent, y bâtissent, puis s'en vont pour laisser place à d'autres, la terre est symbole de vie, je ne conçois qu'on puisse vivre en en ôtant.
- Essaies-tu de me dire que sur notre terre, nous allons laisser vivre des gnolls?
- Oui je l'essaie, depuis le premier âge, cette terre du milieu a été piétinée par quasiment toutes les races, et ce ne sont que les gnolls et les elfes qui se battent pour elle, des milliers d'années à se battre, à s'entretuer, les pertes de parts et d'autres sont énormes, et nos clercs ne font qu'injecter leur perfidie dans les têtes de ceux qui ont vu la misère et qui cherchent un salut.
- Tu dois divaguer, tes livres te rendent fou, la terre du milieu est notre terre à nous, et personne d'autre n'a le droit d'y être, surtout pas les gnolls.
- Pourtant les orcs, vous les aimez bien, et vous les acceptez partout.
- Ce n'est pas la même chose, les orcs eux nous vendent des armes, nous aident financièrement parfois
- Certes, mais ils nous ont conquis les terres du nord, avec le sourire en prime
- Oui, ne mélangeons pas les histoires, les elfes du nord ne sont pas très en accord avec nous, et on ne les aimait pas de toutes façons, mais dés que les terres du milieu nous reviennent, et que les gnolls disparaissent de la surface, on reviendra sur le dossier terres du nord.
- Et les orcs qui vendent des armes aussi aux gnolls ? Cela ne te choque pas ?
- Non, c'est les règles du jeu, c'est des commerçants neutres eux.

Il n'y avait aucune logique dans ce qu'elle disait, mais j'ai voulu quand même continuer au risque de la dégradation de ce dialogue fortuit.

- Tu ne vois pas que les orcs ne font que nous monter les uns contre les autres ? Affaiblir l'unité des elfes, contrôler l'expansion des gnolls tout en jouissant de nos richesses?
- Non, ce que je vois c'est que tu refuses de voir les priorités, la terre du milieu d'abord, puis on traitera la menace des orcs si jamais menace il y'a, mais pour le moment, nous devons tous nous unir contre les gnolls, je suis sûre que tu n’oublieras jamais ce qu'ont fait les gnolls à ton père et à ta mère.

Je m'attendais un peu à cette dernière phrase, mes parents était des elfes paisibles, pieux, adorateurs de la nature, fervents disciples d'Elune et ne méritaient pas cette boule de feu venant de je ne sais d'où, mais sur quoi tout le monde est d'accord qu'elle soit d'origine gnoll, qui les transforma en corps pétrifiés dont l'odeur pestilentielle n'a jamais dédaigné quitter mon nez.

J'ai vécu avec cette image toute ma vie, je n'ai appris l'art de la magie que pour les venger, que pour voir frire des gnolls sous mes flots d'acide, que pour les voir supplier la mort de venir les prendre de mon bain d'adamantite en fusion, mais peu à peu, le choses sont devenues claires dans ma tête, cette haine m'empêchait de penser, cette haine paralysait mon esprit, cette haine ne me permettait pas de voir plus loin que le bout de mes cils, la vérité était ailleurs, bien cachée sous des tonnes de mensonges et d'intérêts et il fallait la chercher.

Sommes nous le bien et eux le mal ? J’en doute, l'histoire des elfes du nord est encore dans ma tête, tout le territoire pris par les orcs sous nos applaudissements, toutes les richesses pompées dans leur terre me chagrinais, deux corpuscules qui se battent depuis jadis, et rien dans leurs pauvres têtes que l'extermination de l'autre, mais celui qui va en bénéficier en jouit déjà.


- J'espère que mes paroles arriveront à raviver ta flamme. Rétorqua t-elle
- Ma flamme est toujours vive, mais elle brille la paix.
- Divague mon ami, je tranche des têtes pour cette paix dont tu rêves tant, tu vois cette épée ? C’est celle la ma colombe blanche.

Comparer son épée à une colombe, alors que le sang y est encore visible a coupé court à l'espoir que me suscitait notre dialogue, épée ? Colombe ? C’est horrible, la notion de paix est tellement différente entre nous, elle voyait la paix dans le sang qui giclait des corps inanimés, et je la voyais dans les sangs qui s'unissaient dans des corps qui s'aimaient.

Je ne voyais que du tort dans ce qu'elle disait, mais elle n'était pas seule dans cet état d'esprit, faire face à tout un mouvement elfique ? Marcher contre courant ? Mon existence meurtrie en est incapable, j'ai sorti ma phrase qui marche toujours face à qui ne dit vrai:

- Tu as raison.

2 commentaires:

  1. Une fiction au réalisme saisissant.. brillamment racontée..
    Chapeau mon ami pour ta clairvoyance..

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  2. Merci de m'avoir lu, je l'ai écrit avec la larme aux yeux, c'est trop douloureux d'écrire ce genre de récits, et surtout essayer de rester dans la fiction.

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