mercredi 26 mai 2010

Libre.

Préambule: Ceci est un récit, morose, noir, lugubre et triste, inspiré de faits réels, j'ai dû ajouter ce préambule vu que ceux/celles à qui j'ai montré mes brouillons, n'ont pas été très contents de moi après.


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Ils sont tous assis, tous me regardent, certains, les yeux rouges, d'autres attendent, la blouse blanche a annoncé l'arrivée de mon wagon à son terminus avant de me donner ma dernière dose de sédatif et me retirer cette bouteille de sérum, et je me sens déjà léger, à planer dans les airs, vais-je voir ce tunnel sombre et la lumière blanche au fond ? Non rien de cela, je ne vois que des expressions sur des visages autour de moi.

J'observe ma femme, triste ? Je me demandais qu’est ce qui pouvait la rendre triste ? Est ce mon départ ? On s'est déjà quitté il y'a plus de dix ans, et elle n'a été qu'heureuse depuis ! Est ce mon départ ou bien l'imminence du sien qui l'attriste ? Je pense avoir tout fait pour ne lui laisser aucun fardeau, à sa place, j'aurais déjà commencé à raconter des blagues voilà que mon colocataire de palier qui fait ses valises, je n'étais que son voisin de chambre, avec qui jadis elle flirtait, et qui depuis le temps l'aurais dû vraiment quittée, je n'étais peut-être pas un bon mari mais je l'assumais.

Ma respiration est de plus en plus pénible, je sens mon torse endolori sans vraiment faire mal, grande envie de tousser, mais pas assez de forces pour le faire.

Je regarde ma fille, revenue de France pour l'occasion, et quelle occasion, comme si elle attendais ce moment pour venir me voir, je ne peux dire que pendant toutes ces années elle nous aurait oubliés, elle a toujours téléphoné ... à sa mère, jamais elle n'a pensé à quel point à moi elle manquait, mais je n'osait le lui dire, finalement je ne savais rien d'elle, mais ce n'était pas grave, sa mère en savait assez, j'aurais bien aimé que même pour cette occasion, qu'elle vienne m'embrasser , me dire adieu, me dire que peut-être elle m'aime, me dire "papa" comme quand elle le faisait toute petite, mais rien, elle était plantée la, limite embêtée, collée à sa mère sans dire mot.

Je sens de moins en moins les pieds, un engourdissement apaisant les envahis, ils ne me font plus mal, je ne suis pas sûr que se soit le sédatif, j'ai atrocement soif.

Ma mère pleurait, assise toute seule à mon chevet, elle essayait de se retenir, elle ne comprenait pas, elle murmurait sans cesse croyant que je ne l'entendais pas : "Dieu, prenez moi et laissez le" tout en me tenant la main, une main qu'elle caressait sans cesse.
Cette mère que j'ai toujours ignoré, que j'ai toujours délaissé, qui ne voulais rien de moi et que ma femme refusait de vivre avec, vivant de la retraite de feu mon père, et m'agaçant avec ces coups de téléphones pendant mes réunions de travail, elle , qui se retenait de m'appeler chez moi, pensant ainsi réduire les tensions au sein de mon "couple".

J'ai encore plus soif, mais à quoi sert bon de gaspiller de l'eau, d'ici peu je n'en aurais plus besoin, à jamais, que se soit en enfer ou au paradis, je me demande d'ailleurs de quoi j'aurais besoin, tout ce dont je me suis battu pour, je vais le laisser dans ce bas monde, même ce corps que je m’obstinais à muscler pour en garder la jeunesse.

Mon frère était là aussi, il fumait sa cigarette sur le pied de porte, je n'ai pas assez de force pour lui jeter ma carafe d'eau à la figure, dommage, ça aurait été marrant, il va sûrement happer un maximum de mes biens d'ici quelques minutes , lui loup aux dents si aiguisées, il doit être content de lui tuant le temps avec sa cigarette en me regardant avec dédain comme si j'étais la pire racaille sur cette terre.
Il a déjà plumé ma mère au décès de mon père, et aujourd'hui une autre occasion en or qui se présente pour refaire de même.

Et cette odeur de cigarette me piquait le nez, mais peu importe, elle ne pouvait rien me faire de plus, mes mains sont totalement engourdies, et les visages s’effacent ... peu à peu, pas de trace de tunnels, mes yeux se ferment, je ne sais plus si je respire encore, mais j’entends toujours ma mère murmurer.

Mon fils était là tout à l'heure à me regarder dans une froideur magistrale avant de sortir avec la blouse blanche, aucune émotion, j'imagine que finalement il n'est pas content, au moins pour la famille il va devoir retarder son mariage, je lui ai demandé pourtant de ne pas le faire, mais moi je pars, lui il reste, sa femme va sûrement me damner, elle qui croit que je ne l'aime pas, elle est sûrement différente de ce que je voulais pour mon fils, mais jamais au point de la haïr.

Je sens de moins en moins la main de ma mère qui tenait la mienne, je commence à avoir légèrement froid, comme si une douce brise d'été soufflait sur mon corps, ce n'était pas désagréable.

Tu m'avais téléphoné la veille, je t'avais menti, je t'avais dis que c'était bénin, tu allais partir à la maternité pour ton deuxième enfant, j'espère que tu ne vas pas être triste ma tendre amie, mais heureuse, oui, je veux que tu sois heureuse pour moi, mon âme sera avec toi depuis l'au-delà, je ne te quitterai pas des yeux, je n'aime peut-être pas ton mari, mais ... pas toi, j'ai toujours rêvé de toi, de ta main que tu m'as refusée, de tes messages volés, de tes phrases douces que jadis dans mon oreille tu glissais.

Je n'entendais plus ma mère, je sens que je tombe, sensation normale vu que je ne sens plus le lit sous mon dos, je sens le néant, je n'ai plus mal, plus soif ... je suis finalement ... libre ...

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3 commentaires:

  1. ça m'a donné des frissons au dos... Waaaaw quelle sensation Gar!!! De décrire ses derniers moments, avec tous ces détails, en voyageant avec chaque visage vers le passé et le futur en passant par le moment présent.
    J'ai pas compris comment c'est une histoire réelle, Quand on est libéré, on ne revient jamais aux murailles de la vie...
    Une belle note bien que noire, morose,lugubre et triste...

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  2. Merci de m'avoir lu, l'histoire est tirée de faits réels, j'ai été là quand il est parti, j'ai vu son regard dévisager tout le beau monde (dont je n'en faisait pas partie), mais connaissant tout de même son passif, et la je m'y ai vu ... et peut être une volonté libératrice, devant la fatalité dire que c'est mieux ainsi, ne changera pas le présent, ni le futur sauf à les rendre plus supportables.

    Je vais essayer de revenir vers des trucs plus bleus/roses :)

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  3. Cette histoire est presque aussi réelle que celle que j'ai, et beaucoup d'autres ont connue sauf qu'on ne peut jamais savoir ce qui se trame à l'instant "t" dans la tête encore lucide du "partant" ni dans celle des "restants". Les attitudes, les gestes, tout a mille et une interprétations et Dieu seul sait ce que ces coeurs cachent et ne peuvent exprimer ou avouer !
    Que des non-dits, que des sentiments non avoués hélas de notre vivant !
    Bakhta

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