dimanche 24 octobre 2010

Le moustique.

Il me regarda sous ses lunettes avec ses yeux ahuris répétant la phrase que je venais de lui dire :
"Tu n'as jamais couché avec elle ??" (Remarquez en passant le double point d'interrogation qui n'arriverait jamais à assez exprimer son étonnement).
"Non, je l'ai embrassée une seule fois sur la joue, et ... effleuré la main"
"Raconte-moi" dit le moustique.

J'appelle "moustique" mon psychiatre/psychologue , c'est lui avec qui je prend rendez-vous dans un hôpital bien connu de la capitale, en faisant les doux yeux à son secrétaire, et qui me suce mon oseille à chaque consultation en me bourrant de psychotropes et autres cachets et pilules au noms barbares et aux prix à faire rouler des yeux sur la terre et briller ceux du pharmacien qui te les vend en allant les rechercher dans son coffre-fort en vérifiant ta carte d'identité et en inscrivant des lignes dans ses carnets répétant sans cesse : ne dépasse pas les doses indiquées cochant les paquets des traits obliques avec son stylo en parlant si rapidement croyant indubitablement que je vais suivre ses conseils.

"On est sorti dîner une fois, et dans la rue, sans nous rendre compte, dans le balancement naturel de nos mains, marchant l'un à côté de l'autre .... Sa main a effleuré la mienne" ai-je répondu

"Et ?"

"Le temps s'est arrêté, on était dans la plus peuplée avenue de la capitale, à peine on arrivait a marcher, et tout ce beau monde s'est figé, il n'y avait que moi et elle, et ce contact qui a duré en réalité 1/10 de seconde, je le vis encore, je sens encore la chaleur de ses doigts effilés , je regardais devant moi, mais tout mon corps , tout mes esprits se sont transformés en une main dans la sienne, un moment d'extase extrême que je revis chaque fois que je ferme les yeux, rien qu'un effleurement"

"Et ?"

En général les moustiques font "bzzzz bzzzz" le mien ne faisait que des "et ?" après tout ce que je viens de lui dire, et il me reposait la même question "et ?" , il s'attendait à quoi ? je n'allais pas lui faire l'amour juste en lui effleurant la main !

"Je l'ai conduite chez elle sans dire mot, je ne pouvais plus parler, j'étais dans un état tierce (déjà second quand elle a accepté de diner avec moi)" à ce moment des larmes commencèrent à couler sur ma joue.

"Bzzz bzzz bzzz bzzz " ... ah finalement il commence à parler normalement, tout ce que je comprends c'est qu'il faut que je parle vite, il y'a d'autres patients derrière, il faut que je le paie et que je me casse.

"Non, je n'ai jamais couché avec elle, pour le dîner c'était suite à une discussion de 3 heures minimum via un moyen de communication moderne sublimant l'existence physique et la remplaçant par des phrases courtes peu compréhensibles pleines d'équivoques et me rappelant Yves Montand avec son télégraphiste, je n'ai pas parlé, c'était un diner léger , un simple sandwich , pendant lequel elle n'a fait que parler de ses ex, ces pauvres gens qui comme moi sont tombés amoureux d'elle"

"Comment tu définis ton amour pour elle ?" demanda t-il , me laissant le regarder avec des yeux de merlan frit...il m'écoutait vraiment ?

"Un sentiment d'obsession, il n'y a rien de commun entre nous deux, elle n'est pas mon genre de fille, elle ne comprend pas la moitié de ce que je dis (comme tout le monde), elle est belle je ne puis le nier, mais ce n'est pas la source de mon obsession".

"Alors tu ressens quoi exactement ?” Un psy qui demande de l'exactitude, et je me suis mis à rire avant de continuer

"Un sentiment de protection pour elle principalement"

"Protection de qui ?"

"De moi"

Et là pour une fois j'ai une certaine croyance qu'il m'a compris, il n'a pas ajouté un mot, il a commencé à rédiger sur son feuillet bleu des lignes et des lignes avant de me dire :
"Tu prendra pendant un mois ces 2 médicaments, je te conseille de parler avec elle, de tout et de rien, établit le contact avec elle, je vois que tu es un bon orateur (euh .. oui quand je le veux merci, mais il a oublié la partie où je disais qu'elle ne comprenait que 50% de ce que je dis... Enfin bon...)

Il m'a gentiment vidé le portefeuille, direction pharmacie, tout le tralala, et je téléphone à ma dulcinée  dans une optique de prendre rendez-vous (sous prescription médicale cette fois !), rien qu'un café (ou thé ou ce qu'elle voudrait).

"Salut, ça va ?" ai-je commencé

"Salut, oui bien et toi" a t’elle répondu avec sa voix divine qui m'énivre et qui sonne comme un vrai Stradivarius joué par un maître du violon .

"Bien, bien alors quoi de neuf ?" en préparation de mon sale coup pour le rendez-vous

"Rien comme d'hab, tu sais ? L’ex que j'avais avant mon ex actuel m'a appelé, et veut me voir" a t’elle dit avec sa voix beaucoup moins divine, et qui ressemblait plus au cri d'un chat qu'on vient d'écraser la queue par le même maître du Stradivarius que je venais à l'instant de citer.

"... et ... " (balbutiement)

"ben je ne sais pas .... bla bla bla " à ce point je n'entendais plus rien, je cherchais peut être un métro à la dérive, une comète dans le ciel qui cherchait où atterrir.

Je me suis repris et j'ai répondu : "Bonne chance, au revoir", avant de raccrocher et éteindre mon téléphone.




J'ai deux mots (qui risquent d'être gros)  à lui dire à mon moustique à ma prochaine visite.