mardi 27 avril 2010

Grosse, vieille et laide.

Dorra était ma voisine de palier, divorcée depuis au moins 10 ans, dans sa soixantaine,  et qui débordait de gentillesse malgré l'acharnement de la terre sur elle, son mari alcoolique né, ne l'a quittée qu'après lui avoir aspergé le visage d'eau bouillante, en conséquence d'une dispute dont elle n'avait jamais voulu parlé, elle a refusé de porter plainte, mais a été catégorique sur le divorce.

Dorra défigurée, a plongé dans la boulimie et a  gagné du poids, énormément de poids, quand je me suis installé dans mon nouvel appartement il y'a trois ans, elle était déjà bien ronde, enfin gravement grosse, elle ne pouvait techniquement plus monter les escaliers sans prendre quelques pauses, et de toutes façons, il n'y avait que moi qui parlais avec elle, les autres voisins ont vraiment peur d'elle, elle leur semblait bizarre, retirée, grosse, vieille et très laide.

Depuis que je l'ai connue, j'ai étais chez elle à maintes reprises, elle étais gentille, paisible, délicate, elle avait une voix de rêve, quand elle parlait, rien que de perles ne sortaient de sa bouche déformée, je l'aidais en lui faisant parfois ses courses, contre un petit thé de temps en temps, et quelques soirées à regarder les VHS que je lui apportais, j'aimais bien sa compagnie, elle avait un grand esprit, de grandes connaissances, une grande expérience humaine, et sa bonté de coeur n'avait rien d'égal, elle n'en voulait à personne et ne tentait jamais de mettre son poids sur autrui, je l'écoutais pendant des heures quand elle me parlait poésie, et elle m'écoutais des heures à divaguer sur tout et n'importe quoi.

Ma vie a basculé le jour où ma fiancée m'a plaqué, elle n'a pas réussi son bac, et la poisse portait mon prénom, j'ai été déboussolé, et dans le bar du coin tout mon argent j'ai vidé, je suis rentré en titubant, empestant l'alcool à des kilomètres à la ronde, et je n'ai pas réussi à ouvrir ma propre porte, Dorra qui a entendu mes manoeuvres vaines a ouvert sa porte, comprenant la situation elle m'a demandé de la rejoindre, elle était affolée pour moi, personne n'a jamais été aussi paniqué pour moi, je suis allé vomir dans ses toilettes, avant d'aller m'étendre sur le canapé.

Dorra m'a rejoint avec un café turc, qu'elle venait de me faire arrosé d'eau d'oranger, sans sucre, et s'est assise à côté de moi, en prenant ma tête sur sa cuisse, ses yeux me regardaient, et il n'y avait ni jugement, ni pitié, ni colère, je n'ai pu voir que de la tendresse, de la pure tendresse, et elle n'a rien dit, détournant ma tête d'elle, j'ai commencé à parler, à raconter comment mon coeur est brisé, comment mon âme est consumée par cette séparation, et elle, elle me regardait sans brancher, en passant de temps en temps tendrement sa main dans ma tignasse avant de rompre son voeu de silence et dire :
- Moi, tant que je vis, je serais toujours à tes côtés.
Même si la phrase en tant que telle était trop banale, le timbre de sincérité qu'il y'avait dans sa voix m'a ému, j'ai arrêté de chialer sur mon sort, et je me suis retourné sur mon dos, en plus de la tendresse, ses yeux me suppliaient, sa main n'a pas arrêté de me décoiffer, et le courant électrique a coupé court à ces regards bizarres, les messieurs de la compagnie d'électricité ont décidé de se joindre aux forces de l'ombre.
- "Je vais aller chercher une bougie." a t-elle dit.
- Non, reste.
Je me suis senti en sécurité dans le noir, j'étais avec elle sans être avec elle, dans ce noir son image s'est effacée, et il ne restait que sa voix, que sa présence, je me suis assis, et je me suis approché d'elle, elle ne bougeait pas, j'entendais sa respiration lente et sentais l'odeur de son parfum au jasmin dont elle était friande, pris d'une irrésistible envie de l'embrasser, je me suis mis à genoux sur le canapé, mon torse contre son épaule, j'ai tourné sa tête avec mes deux mains, et je l'ai embrassée, sur la joue, sur le cou, sur le front, puis, sur la bouche, et je m'y suis attardé, cela faisait trop bizarre, mais divin, ces lèvres déformées sur les miennes,  ce corps énorme collé à moi, et elle toujours silencieuse, limite passive, mais ne montrant aucun gêne.

Et tout s'est dégénéré, quand elle s'est décidée de bouger, mes baisers alcoolisés ont dépoussiéré des pulsions considérées oubliées, elle m'a pris comme une petite poupée et m'a serré contre son énorme poitrine et elle m'embrassait partout, mon cerveau était totalement vide, j'ai oublié ma misère, j'ai oublié mon existence, je m'étais blotti dans un champ de baisers tendres, tenu par des bras de velours collé sur un coeur qui me désirais, ce n'étais pas l'alcool, c'étais autre chose que je n'ai jamais connue.

Elle s'est arrêtée, et m'a demandé de me lever, et dans l'obscurité elle m'a entrainé par la main dans sa chambre, je sentais ses mains me déshabiller, j'ai essayé d'en faire de même mais en vain, rien que de dégrafer son soutien-gorge m'aurait pris une éternité, elle n'a pas hésité à m'aider, et à m'allonger sur le lit, je la sentais parcourir mon corps avec ces mains, comme si elle essayais de me masser doucement, avant d'attraper mon amis intime par les deux mains, et commencer je ne sais quel rituel agréable dessus, rituel doux langoureux envoyant des sensations voluptueuses partout dans mon corps, avant d'arrêter et de me chuchoter dans l'oreille qu'elle finit par mordiller : "Je vais aller chercher du miel".

Dés qu'elle est revenue, elle enveloppa le poisson encore frétillant de miel , et s'est couchée sur le dos à côté de moi, j'ai attendu quelques instants avant de me décider à sauter le pas, en ce moment je la voulais plus que je n'ai jamais voulu une femme, je me suis mis en dessus d'elle, et quelques tentatives plus tard notre union est faite, sa corpulence ne facilitait pas les choses, mais j'ai réussi, on a réussi, le miel aidant je glissait comme sur une patinoire avec ma partenaire, elle tenait sa poitrine qui voulait faire la malle à chaque secousse, et moi je poussais, j'avais mal au dos par l'inconfort de la position mais je continuais et me retenais, j'avais trop envie qu'elle éclate de bonheur, j'entendais ces gémissements qui augmentaient avant qu'elle ne lâche poitrine pour m'attraper de ses deux mains en expirant trois ah successifs en crescendo, et c'est à ce moment la, que je me suis moi aussi lâché, et cela n'avait rien à voir avec les amourettes de jeunesse et les divers jeux solitaires devant des magazines de faible teneur en vertu, c'était une explosion de plaisir prenant naissance du bas ventre et remontant mon torse jusqu'à ma tête pour y entrer en résonnance avec mes contractions involontaires expulsant mon essence d'homme.

J'ai dormi cette nuit la chez elle et le matin, en me réveillant bien avant elle, en la regardant, je ne la voyais plus comme avant, j'avais un mal de tête à rendre fou, je lui ai quand même, à sa grande surprise, apporté son petit déjeuner au lit.

On a passé deux mois en amoureux clandestins, avant que je ne me décide de me marier avec elle, elle refusa au début, mais finalement on a signé notre acte de mariage, et j'ai vécu avec elles les trois plus belles années de ma vie et de la sienne, tendresse, sexe torride , amour, sympathie, discussions enrichissantes, des folies, des soirées ciné, la totale, on était dans un microcosme séparés du reste du monde, je m'en tapais à quoi pensait les autres, et ces voisins avec leur yeux qui louchaient à notre vue et elle a perdu du poids sans perdre ses jolies rondeurs.

Un soir, elle me semblait un peu triste, elle m'a parlé d'enfants, elle n'en a jamais eu, et ne voulais pas que se soit aussi mon cas, elle m'a dit que je pouvais la quitter si j'en voulais, je n'ai pas répondu, je lui ai souris, et je l'ai prise au lit, et on a fait l'amour  avant qu'elle ne s'endorme avec son demi-sourire.

Le matin, j'ai dû appeler le médecin, rupture d'anévrisme disait t-il, elle est partie sans crier garde, heureuse, mince, jeune et jolie.


Repose en paix ma petite Dorra.

dimanche 25 avril 2010

La gare.

"Tac tac ... tactac" bruit sourd que faisaient les roues de ce vieux train sur ces anciens rails, un métronome mal réglé qui m'empêchait de dormir, ce n'était pas le bruit en tant que tel qui m'embêtait, mais ce dérèglement, et qui d'autres que moi cherchait à entendre un rythme parfait émanant des roues d'un train.

Mon train était plein, des hommes, des femmes, des enfants et quelques poules qui arrivaient à montrer tête de couffins mal fermés, je regardais cette foule autour de moi, tous parlaient, jacassaient, gesticulaient et moi tapis dans mon silence, ils bougeaient autour de moi, et moi je les observait, un regard non loin de celui que j'ai parfois envers mes petits hamsters du laboratoire, ces hamsters qui me faisaient de la peine, qui ne se souciaient pas de ce qui allait leur arriver, ou peut être qu'il s'en doutaient mais n'y accrochaient nulle d'importance.

Plus le train avançait, plus leur bruit augmentait, un instinct naturel de vouloir se faire entendre, j'ai voulu suivre l'histoire de ma voisine, qui parlait de l'amie de sa voisine qui vient de se fiancer; mais que bon dieu elle a à en discuter ? L’autre derrière moi s'acharnait sur son équipe préférée, du bla bla bla, que du bla bla bla, leurs histoires pathétiques me mettaient encore mal à l'aise, me rendait encore seul, seul à pouvoir vivre une solitude dans une foule de semblables.

Et j'ai pris la fuite, en me penchant sur la fenêtre à ma gauche, écrasant sans le vouloir deux cafards qui apparemment voulaient échapper à mon coude, j'ai mis ma tête sur le verre incassable jonché de tentatives de brisure, et je me suis mis à regarder le paysage défiler, psychédélique, avec en prime, les vibrations du verre qui résonnait dans ma tête.

Je ne puis dire pour combien de temps j'étais à demi-conscient dans cette position quand un cri strident me fît réveillait, cri suivit d'une voix semi humaine semi simiesque qui commença à débiter des phrases inintelligibles dans les haut-parleurs du plafond, des phrases dont je n'ai compris mot, mais que tout le monde autour de moi semble d'accord sur leur signification; ils se sont tous levés, et ont commencé un pèlerinage vers la porte de sortie dans leur vacarme qui n'en finissait pas tout en se tassant, en se poussant comme s'ils étaient certains que le dernier serait empalé.

Et le train finit par s'arrêter, une gare, la gare de je ne sais quoi, il fallait attendre la correspondance, mon wagon s'était vidé, tous se sont volatilisés dans leur brouhaha, et leur acharnement à sortir, et je commençait à m'assoupir, quand la correspondance est arrivée sur la voie gauche, un train aussi plein que fût le mien s'est arrêté, et à mon niveau, une fenêtre, un visage et des yeux plus noirs que la nuit me regardaient.

Elle était dans sa trentaine, aussi triste que moi, aussi seule que moi, avec une foule derrière elle qui se tassait, deux mètres et deux plaques de verre incassable n'ont pas empêché nos âmes de se rapprocher, nos yeux de s'embrasser, nos mains de s'enlacer, le tout sans bouger, on n'est plus seul quand on est à deux, nos coeurs se mirent à parler, on était comme debout entre les deux masses de ferraille et je disais:

- Je t'ai cherchée partout.
- Et moi je pensais que tu n'as jamais existé.
- Pourtant je suis bien la devant toi
- Arrête de parler, ne fais pas comme eux, embrasse moi.

J'ai fait un pas en avant, j'effleurais sa robe satinée avec ma chemise, j'ai passé ma main derrière son dos, et avec une délicatesse divine, en tournant légèrement ma tête vers la droite, j'approchais mes lèvres des siennes, trains, rails, gare, foule, tout a disparu, on était dans un champ de maïs, hauts de deux mètres, personne ne nous voyait, personne pour nous juger, rien que l'extase de nos lèvres qui commençaient à se toucher, à se palper dans un silence religieux.

Je sentais son souffle chaud sur ma joue, et sa sève au goût de la framboise sucrée qu'elle essuyait sur ma bouche, elle tiraillait mes lèvres, et je mordillait les siennes, et nos langues dansaient une valse, anarchique, sans musique, tout en silence, avant de partir en exploration de chaque recoin de l'autre, elles se poussaient aux portes soudées ouvertes glissant sous les tenailles d'émail pour aller goûter dans ces cavernes encore inconnues leur eau de vie.

Nos nez n'arrêtaient pas de se frotter, l'un contre l'autre, dessinant des arabesques sur nos joues, au rythme de nos bouches qui s'ouvraient et se fermaient avec acharnement dans des tentatives infructueuses de happer le contenu de l'autre et d'attraper ses langues furtives et délicieuses.

Et dans ma plus profonde amertume, le cri strident se fît encore entendre, donnant fin à notre étreinte, elle m'a poussée sans dire mot, j'ai vite posé un baiser sur son front, avant de remettre le mien sur la vitre, toujours incassable, regardant à travers elle ce train figé pendant que le mien prenait départ, pendant que ma larme murmurait des adieux à une semblable qui apparût non loin d'elle.


jeudi 22 avril 2010

L'oeuf.

Dans un oeuf, le jaune et le blanc, parfois fusionnent en un être ailé voltigeant au dessus des cimes, et parfois, il ne reste que la coquille qui les empêche de se séparer.

Maudite coquille, bénie soit tu quand tu réussis, sans avoir conscience de ce qui mijote dans ton intérieur, et tu ne fais que t'endurcir avec les ans, une coquille en béton, une coquille en laiton, fragile tu apparais, mais dure dure dans la réalité.



C'est la faute à qui ? à ceux qui ont fait de nous des oeufs ? à ceux qui nous forcent à le devenir ? à cette alchimie bizarre qui est à la fois capable de rendre miscible l'eau et l'huile, et capable de d'éclater une âme en deux ?

Sous nos apparences d'inaltérables dieux, un blanc ou jaune d'oeuf se tapis, notre essence est un fluide pestilent, inassimilable, horripilant qui cherche parfois sa coquille, et qui veut la plus part du temps s'en échapper.

Et ces jaunes et blanc, enfermés dans leur impossibilité de fusionner, n'auront pas beaucoup de solutions, quelques uns, casseront la coquille et s'en échapperont, partant en emportant le sang de l'autre, ou en y laissant leurs plumes, stigmatisés à jamais par les rayures de la coquille cassée sur leur peau, d'autres, tenteront en vain de fusionner, il finiront par changer de couleur, et seront considérés par l'ensemble de la volaille comme réussis, les derniers, mourront, sur des petites fenêtres qu'il finiront par dessiner à la craie sur l'intérieur de leur coquille.


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Ce texte est en relation avec l'excellent :  Rupture
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vendredi 16 avril 2010

La salle de bain.


Assis sur la chaise verte je t'attendais, tu as ouvert la porte et tu es entrée, vêtue d'une cape de bain rosâtre qui te cachait, et tes pieds nus frôlaient à peine le bois du parquet d'un pas calme et rythmé.


Tu t'es arrêtée devant moi, tu voulais que je te retire cette cape, j'ai mis la main très doucement sur le noeud de sa petite ceinture, tenant un bout avec deux doigts, et très lentement je l'ai tiré, et tu as souris, par pudeur ? Tes joues toutes roses, tes yeux qui brillaient m'ont fait d'un coup levé et de toutes mes forces, sur ce bout j'ai tiré.


Tu as reculé d'un pas, surprise peut être, tu es devenue en instant, le lapin blanc du lion, la ceinture arrachée jetée derrière moi, je t'écorche de ta cape, avec frénésie, j'enlève la mienne et je te serre contre moi, tes seins s'écrasent sur ma poitrine, chauds exaltants, tes cuisses se frottant sur les miennes, et tes lèvres que j'allais extirper par la force de mon désir, toutes moites m'embrassaient, et si je continuait... après la cape ta peau allait certainement y passer.


Je me suis assis, et je t'ai prise sur moi à califourchon, sur cette chaise verte, mes doigts enracinés dans ton dos, les tiens tenant mes cheveux tentant en vain de me scalper, ma tête se trouva entre tes seins qui pointaient, que je humais, que je mordais... mordais avec acharnement , la faim d'un loup qui depuis une éternité n'a pas mangé , les traces de ma dentition dessinait des cercles vermillons et des sillons, j'étais envoûté , tu étais enivrée, et des "oui" , oh , tu en disais, et dans ton corps, une partie de moi ... disparaissait , et on a dansé, la danse de deux amoureux fous écervelés, une danse rapide violente , un langoureux tango sur un rythme africain , on suait, on glissait en restant toujours synchronisés, et dans un ultime sursaut, les portes du septième ciel apparaissaient.


On haletait, tu t'es levée, tu ne souriais plus, tu me regardais, je te regardais, et puis dans ce bain tu t'es allongée, ton corps encore marqué, jonché de traces rouges, bleues , je me suis levé, et derrière toi je me suis glissé, l’eau calmait mon dos, encore délicieusement engourdi par le passage de tes angles , ta tête mouillée sur mon torse, et mes mains croisés sur le tien, cachant tes seins de yeux indiscrets, et à travers la baie vitrée, le calme de la mer on admirait, un repos du guerrier, bien mérité.


 
Gar

mercredi 14 avril 2010

Amour platonique , sans plateau.


J'ai rêvé de toi, oui de toi et qui d'autre j'en puis rêver, ne fais pas cette tête là, tu ne la faisais pas hier .. dans mon rêve, quand mon corps inanimé gisait sur ce petit lit, crispé dans sa solitude, quand mon âme mutilée s'échappe enfin de sa cage d'acier, libérée, léchant comme un enfant ses blessures de la journée, ton âme errait au gré de l'éther, une aura blanche vitrée et ensanglantée, tiraillée et perdue avant de nous rencontrer, on s'approche l'un de l'autre comme deux feuilles mortes sur les minuscules vagues d'un lac, inéluctablement nos âmes fusionnent, nos sens foisonnent, nos blessures tombent comme si jamais elles ne l'étaient.


Rien dans ce bas monde n'a plus d'importance, ce bas monde qui ne cesse de nous martyriser, chacun de son côté, là haut ? Personne n'est là pour nous narguer, les anges avec leurs petites harpes au loin nous admiraient sans plus nous condamner et nous, on dansait, très doucement, un ... deux ... trois, une valse langoureuse aux rythmes des vagues imaginaires, descendant les creux et remontant les crêtes ensemble et nos auras tournaient comme des robes qui s'étalent, le monde tournait au tour de nous dessinant des sillons de lumières colorées et nous enivrait, nous étions pour un moment ... le centre de cet univers.

Tu murmures au fond de moi : "tu m'aimes ?", amour ... est-ce cette sensation humaine frustrante de laquelle jaillit haine, jalousie, querelles et chagrin ? Non, je ne t'aime pas alors, ce que je ressens est pur, et n'a pas de nom sur terre, ne le ressens-tu pas ? Ne ressens-tu pas mon désir ? Ma dévotion ? Mon adoration ? Moi, je ressens les tiens, dans la fumée de ton âme, je suis moins perdu, pour une fois, je sais ce que je veux ... toi ; Et peu importe que subissent nos enveloppes charnelles, nos esprits sont mariés à jamais.

Les dépouilles réclament leur essence, nous nous réveillons, chacun de son côté, ou peut être qu'on quitte la vraie vie pour sombrer dans le cauchemar .. terrestre.


Gar.

mardi 13 avril 2010

ياسمين.    الحلقة الثّالثة و الاخيرة.


انا هكّاكة سارح, تهِدّلي امي كتفي وتقلّي :"فيق يا لسعد, آشبيك ؟ برّى ارقد, غدوة الصباح باش تهبّط مع بوك فاليجة, ماشي يعدّي جمعة في البلاد, عندو اشكون توفّى"

جمعة كاملة ؟ يا بابا, على الاقل باش نتنفس شويّة, كل هبطة يعملها للبلاد عيد استقلال عندي وهو ما يهبط كان كي يموت حد اهوك يورّي وجهو على ما ياتي, نهار باش يوصل, نهار يعزّي و الّا يقبل العزاء ونهار يروّح, واربعة ايام يرتاح فيهم من تعب الثنيّة.

جا الصباح وهبّطّو للمحطّة و رجعت للقهوة متاعي, الشباك مازال كي تحل, خذيت قهوة اشطار, جيبي دافي اليوم, وقعدت هكاكة نتفرّج,و تعدّى النهار وجات الستة , وبدات امي تراكي وانا ماقمتش,الليلة باش نسهر.

بدات الدنيا تظلام,ليلة ڨمرة, و شعلت انبوبة البلدية,ما كسّروهاش هوني , وجات السبعة, قتلني الجوع وبدا يرجعلي شاهد العقل باش نقوم نروّح, رميت اخر جغمة من هاك القهوة في فمّي وجيت باش نقوم, وباب الدّار تحل, وخرجت ياسمينتي هي وصاحبتها بالسّيف ما يبانو ورا انبوبة البلديّة,شرقت شرقة خلات اللي بجنبي خصّو باش يكسّرلي ظهري بالضرب, نحط هاك الكاس و نشد جرّتهم.

نعرفو العطّار اللي هوني كالدجاجة, مالخمسة يسكّر, حتّى على شويّة طماطم معجونة يلزمها تشرد لبعيد, خلّيت بيني وبينهم يجي عشرين ميترو وقعدت جرّتهم, الزنق ظلام, وانا بديت نخاف عليهم, ياسمين لابسة روبة قهوي صيّافي شويّة قعدت ماشي و نعشق فيها.

مشينا مشينا لين وصلنا للكيّاس الكبير البرّاني, وقفو بين الشجر يستنّاو, باش ياخذو تاكسي ؟ اذا خذاتها النهار باش يمشي حرام في حرام, هذي اول مرّة نلقاها بعيد على حومنا, وقلت اذا اليوم ما نكلّمهاش, عمري ماني باش نكلّمها, لمّيت شجاعتي الكل و مشيتلها.

هي شافتني جاي من بعيد وهي جاتني وقعدنا نقربو من بعضنا وقلبي ولّى حسّو يتسمع , وتبسّمت ياسمينتي ,وتبسّمتلها , قدّاش طوالو هل العشرة ميترو , ساقيّا بالسّيف هازّتني, كرشي ولّات توجع, العرق يقطّر من جبيني, باش نلعب الكل في الكل, باش نقوللها كل شي, لا موش انا اللي باش يتكلّم, قلبي باش يتكلّم و هي كي جاتني لازم عرفتني,مخّي يِرحِي وانا نقربلها وهي تقربلي وكيف وصلنا لبعضنا عينيّا في عينيها ما زلت باش نخرّج كلمتي الاولى سبقتني هي و قالتلي "انتي عندك وقت ؟"



وفمي سكت و الكراهب وقفت, والعباد ما عادش تتنفس, والحس بات, هاك اللحظة الكف فيّقني ماللي كنت فيه وريت اللي قعدت نبني فيه تهد, داودي طحيّلي فمّي بالكلام اللي فيه,نار حرقتلي قلبي خلّاتو رماد يذر فيه الرّيح  , اللي كنت معمّل عليها باش نبني عشيّش طلعت على مراد الله ,هبّطت راسي اللّوطى و درت راجع, سمعتها هي ضحكت ورجعت لصاحبتها وانا نكركر في ساقيّا للدار.

نمشي ونخمّم ماذابيّا نعيّط "علاش هكّا؟ آش عملت؟" ويسرح بيّا مخّي لهاك الايامات الكل اللي عدّيتهم كابي على كرسي, ما كرهتهاش ياسمين, اللي يحب عمرو ما يكره, امّا كرهت روحي وها الدنيا الكلبة.

وصلت للدّار, نلقى امّي قاعدة على الحصيرة, حتّى السلام ما نجّمتش نقولو, شدّيت جنبها, وتكّيت راسي على كتفها ... وقعدت نبكي.




النهاية.

dimanche 11 avril 2010

La peur.

Tout commence par cette devinette:
" Je suis plus puissant que Dieu.
 Je suis plus méchant que le diable. 
 Le pauvre en possède.
 Le riche en manque. 
 Et si vous me mangez, vous mourrez.
 Qui suis-je? "

Malgré la simplicité lexicale de la devinette, rares sont ceux/celles qui en trouvent solution, ceux qui la trouvent sont soit de très jeunes (5 ans ?), soit des fanas du saint-Google béni soit son nom.

Pourquoi la difficulté à trouver cette solution ? Pourquoi la peine à voir ce qui est évident ? La réponse à ces questionnements réside dans les deux premières phrases de cette devinette, la mise en bouche qui étrangle tout le monde, c'est cette peur d'une apparence moisie d'un questionnement qui voudrait ébranler certains édifices.

La peur, cette sensation qui met en marche nos réflexes de survie, ces réflexes tous naturels, animaliers, qui ont aidé nos ancêtres à survivre la loi du plus fort, une souris se fige devant un chat qui la regarde, elle devient paralysée et il lui faut du temps, pour que cette adrénaline injectée dans ces veines s'estompe un peu et lui permet de retrouver le chemin du salut.

Personne ou presque n'aura l'idée de s'abstraire des deux premières phrases, et essayer de résoudre la devinette à partir des trois dernières allégations, l'obsession par les deux premières est trop forte, on ne peut pas facilement s'en abstraire, on est terrorisé par leur écriture.

Cette terreur s'apaise peu à peu, le lecteur commence à sortir de son état de torpeur, mais ne va plus remettre en cause quoi que ce soit par rapport à la devinette et au mieux, il commence à avoir de la haine pour celui qui les écrit, commence à le juger et à le classifier, enfin à chercher à le classifier, en délaissant totalement la devinette, cette devinette à laquelle il ne veut pas revenir.

Pourquoi avoir peur de lettres adjacentes sur fond coloré ? Pourquoi cette mise en marche de mécanismes ancestraux, cette puissance de calcul de nos méninges pour un acte destructif ? La est le paradoxe humain, malgré sa grandeur, son esprit reste ligoté dans des moules préfabriqués dans lesquels il y a été tassé depuis sa tendre enfance.

Pour ceux/celles qui sont arrivés à ce point je vous donne "la solution" : rien.
- Rien n'est plus puissant que dieu
- Rien n'est plus méchant que le diable
(en tant que notions réelles ou abstraite/idéal, selon les croyances, moules)

Les trois autres deviennent faciles, (on mange rien on meurt etc).

Et là, tout soudain, la peur s'estompe et un sentiment de satisfaction vous remplis ... , un soulagement mélangé avec éventuellement un sentiment de sympathie (on n'a pas dû juger rapidement, on comprend mieux le sens maintenant) et un soupçon d'auto-dérision, il a fallu quand même du courage de lire à la fin, un texte ... qui fait peur.




Gar.



jeudi 8 avril 2010

ياسمين.    الحلقة الثّانية

ياسمين تقوم بين العشرة و الحداش , الشبابك ما يتحلّوش قبل, امّا انا مالثمنية تلقاني في القهوة, هو الوالد يخرج منّا و انا نشدّ جرّتو, هو يعدّي النهار يشرب في التّاي في المرمّة و يمَشْوَر في الخدّامة , و انا نشرب فالقهوة ... في القهوة و نتفرج على شبّاكها , و نبدا عاد نتخيّل فيها : توّا مازالت راقدة , زعمة بدات تفيق , اهيّ قامت , و بدّلت حوايجها , طيّبت قهوتها , شربتها .. لا لا ,ترشّفتها و اهيّا حلّت الشّبّاك , شمس وقتها وتضوا عليّ .

تقولشي شهر تعدّى عليّ و انا على هاك المعدّل , الطفلة بصراحة عجبتني, ما تدور بحد, حشّامة؟ ما يجيها حد, ما تمشي لحد و حتّى كي تهبط يا دوب للعطّار و ترجع تجري, الصباح تحط الراديو يوصلني ساعات حسّو و لعشيّة تدوّرها تلفزة نسمع هاكي غناية "امي تراكي" وقت مرواحي .
حكيت لامّي في اللّيل عليها وقت الشّايب بحذا جارنا يتفرج في الاخبار , قلتلها "جاء الوقت اللي لازم نلم فيه ساقيّ" , قالتلي "ياخي انت كنت حاللهم ؟" تتمقصص عليّ "تِبَرّا عرّس , هذا كان رضات بيك و انتي لا خدمة لا ڨدمة و لا هدمة ما زلت تقاسم في خوك في فرش عزيزك" ومدتلي كارطة ب500 فرنك وقالتلي "بوك خلّصوه اليوم , من هوني لاخر الشهر ما عادش تجبدلي عالفلوس, وبرّى لوّج خدمة".

 

زعمة ترضى بيّا كان نخطبها ؟ واهلها يوافقو و يقولولي جازتّك ؟ و نسّحّت خويا من هاك البيت و تجي هي بحذايا ؟

نعملو عرس في زنقتنا و تتلم الحومة بكبيرها بصغيرها كي العروسات الكل و نربخو دربوكة وزغاريط بين ڨزّوز تونس و ڨزّوز فرانسا حتّى يجيونا اعوان التراتيب ويعياو مالشطيح معانا وتتفض الحضبة علّي عندهم الدرابك, و نهز انا مرتي ساق ساق ندخّلها لبيتي ونبدا انحّيلها هاك الرّوبة البيضا وهي تتمنّع وتقول "نطفّيو الضّو قبل" نقوللها "ما عرّسنا كان باش نشعّلوه الضو , ونطفّيو النار اللّي في جواجينا" , شويّة شاعريّة قبل ما نبداو في الرّسمي.

وتطيح هاك الرّوبة, ونكمّل انا مزروب نحل البلاوي الزرقة اللّي تحتها,وتحشم ياسمين ووجهها يولّي كي كعبة الرّمان اللي يجيبها الشايب مالبلاد ,وتهرب تتحشى تحت الملحفة , نحل انا باب البيت ونطيشلهم هاك الروبة و نسكرو بالمفتاح ونرجعلها انحي حوايجي وهي تبدى ادّور في وجهها , نتحشى تحت الملحفة بحذاها , نعنّقها, تعنّقني نقوللهها "الحمدولله اللي تلمّينا على بعضنا" تخزرلي هي بعينين الفرحة نقرّب وجهي من وجهها و نبدا بهاك الحمّير على فمها نكمل نتعشّى بيه ,تسخن عاد هي و تزيد تقربلي نبدا انا نرمي في يديّا نتحسس فيها كاينّي خايف لا تكون كالعادة حِلمة تضحّك علي خويا الصباح و تعنقني بيديها و بساقيها ونعاونها انا زادا و بالشويّة بالشويّة باش ما نوجعهاش نفسرلها المفهوميّة متاع تزغريط النسا البرّا.

ونبدلو الملحفة و نعاودو , ونعدّيلها هكّا احلى ليلة في عمرها ,موش مرّة موش ثنين , نقعد نعاودلها حتّى لين تقول هي "يزّي ما عادش انّجم" نطفّيو وقتها الضو و نرقدو الجنب ل الجنب حتّى يجي الصباح,هي مبيّلة, راسها على سدري وشعرها في وجهي ويدهااليمين معنقتني,وانا نعشق فيها, زعمة وقتها باش يجيني النّوم ؟ وهي في حضني راقدة هكّا ؟





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mercredi 7 avril 2010

ياسمين.    الحلقة الاولى

حومتنا اڨيَن حومة في الدنيا, بكلّها ذكورة, كي كنت صغير كانت تعجبني نكوّرو ساعات, ندورو في السوق "نلمّو" شويّة غلّة, و يا ويل الّي يڨاري كرهبتو شيرتنا وبالأخص كان فيها راديوكاسات.


كي كبرت , و ولّليت نفهم تحّلت عينيّا و طوالت ساقيّا لِلْحوِمْ لخرين و اكتشفت حاجة جديدة اسمها البنات والتبزنيس, وكيف نقول "تعلّمت" نقصد في التِّيوري على خاطر الله غالب, كنت حشّام برشة , نجي نكلّم طفلة توحل الكلمة في الڨرجومة ونغصّ غصّة وحدة و تخرج توكويكة تندّمني على النهار الّي خرجت فيه من كرش امّي, اهوك قعدت العين تشوف والقلب يموت بحسرتو.


وجاء هاك النهار اللّي تقلبت فيه حياتي, قاعد في القهوة كي العرب الكل, قهوة ولد البيّ بعيدة زوز حوم على حومتي باش الشّايب ما يشوفنيش, نتفرّج علّي ماشية واللّي جاية, روبة قصيرة من هوني , سفساري يحكي علّي تحتو من غادي , لاخرى هبطت مالتاكسي قيّمت القهوة الكل "الياااا!!!" كاينّو بونتو تمركَى وهي ما عرفتش تنسّق بين ساقيها والطرطوار و الڨالري اللي تتفرّج فيها, لابسة لبسة ماخذة فيها بعين الاعتبار الكساد الاقتصادي في سوق القماش, الحاصيلو نهار تقريبا عادي ...


عادي لو كان ما وقفتش هاك الكاط كاط باشي على تقريب 50 ميترو مالقهوة, عليها خزانة و فرش و زوز فاليجات, هبط منها الشيفور وزوز بناويت , وحدة تعدّي روحها ولاخرى ... عليها خزانة و فرش و زوز فاليجات !


في لحظة مخّي تشرب و عقلي وقف, لابسة جبّة غامقة طويلة و شعرها في تقريطة حمرا وساقيها في شلاكة پلاستيك بوصبع هاك اللي فيهم نوارة صفرا و بيضاء مالفوق ومزينة وجهها بتبسيمة تذوّب الحديد.


جماعة مالقهوة استرجلو و قامو يعاونو فيهم يهبطو هاك الڨربوج ويدخلو فيهم للدار اللي الظاهر كراوها و انا تبلّمت , ما عملت شي قاعد على هاك الكرسي نتبّع فيها بعينيّا.


الدّار المكريّة ما كانتش بعيدة عالقهوة, و هاك القهوة ولّات داري ساكن فيها مالصباح للستة متاع لعشية, ما انجّمش نفوت هاك الوقت ,الشّايب شنعة في المرواح امّخّر, نعدّي نهاري على وحدة فيلتر, هذيك اللي نقدر عليها, و انا عينيّا على هاك الدّار ما تتحرّك, كان شبّاك تحل و الّا تسكّر قلبي يدق فرد دقّة امّا عاد كان خرجت للعطّار نطير طيران و نولّي في دنيا اخرى.


طلع يا سيدي اسمها ياسمين, محلى اسمها , ما نعرفش بنت اشكون امّا صاحبتها ناداتها البارح مالشبّاك و قالتلها "ما تنساش حكّة الهريسة", لو كان جا عندي فلوس راني شريتهالها انا, زعمة كادو, امّا الله غالب ما نكسابش حتّى حق زوز خضراء نشوف فيهم قلبي و هو يتحرق.






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lundi 5 avril 2010

Le dîner.


Entre les dossiers pâles, j’aperçois le teint rose de ta chemise, je tends ma main et avec le bout des doigts je l'entrouvre ... délicatement, j'examine sereinement quasi religieusement son contenu, contenu que tu me tenais secret, je l'admire, et tu es la à m'observer, gênée ? J’aime ainsi m'introduire dans ton intimité, dont je ne puis jamais en sortir apaisé.

Tu me pris par la main, et vers la salle à manger nous nous sommes dirigés, sur le sol, la chemise a glissé, tombée, mes yeux l'ont quittée pour te regarder, tu t'étais assise et m'offrant tes lèvres qui n'ont à jamais dit mot, ces lèvres dont je me gaverais sans vergogne et sans que les règles ne puissent s'opposer, tes yeux de cyprine ne pourront alors que m'implorer de m’arrêter ... ou de continuer.

Je hume ta fraîcheur, et tu rougis, tu ne voulais pas passer à table avec moi ainsi, même si c'étais toi le dîner, et tu étais servie, tu as tout préparé, à regarder ces miches mon esprit fondait, sur ma table j'en allais croquer, quels goût elles avaient ? J’aurais aimé me transformer en boulanger et les pétrir avec mes mains, pour embrasser le ciel, et ces saints qui dessus veillaient.

Et la sauce montait, est-ce cette sauce aigre-doux tant convoitée ? personne ou presque n'en aimait le goût, mais rares sont qui s'en passaient, et d'aucun dîner elle ne devait s'absenter.

Je finissais en beauté par cette aumônière exquise, encore miellée, chaude, tes sens me demandaient de m'y attarder, et à part tes respirations profondes rien je n'entendais, et elle glissait, me taquinait, tu souriais et je la suivais, et de son goût on jouissait.

jeudi 1 avril 2010

La terre du milieu.


J'étais nez enfoui dans mes livres et manuscrits quand elle est entrée, son épée à la main, maculée encore de sang, et vêtue de son armure étincelante jonchée de tâches d'origine diverses qu'elle ne cesse d'accumuler bataille après bataille.
Elle retira son casque en acier trempé que portait jadis son père dans un calme quasi religieux libérant sa longue chevelure de feu qui m'a fait toujours rêver.
- "Tu es encore la ?" disait-elle dans un ton limite sarcastique que sa douce voix n'arrivait pas à imiter.
- "je t'attendais" répondis-je
J'ai dû utiliser mon esquive traditionnelle fuyant en vain le reste d'interrogations qu'elle pouvait me porter.

- Mon cher Azky m’attendait ! Pour quoi faire ? Tu es toujours en attente de je ne sais quoi.
- Pourquoi ne reste-tu pas alors à attendre avec moi ?
- Jamais tant que des gnolls sont vivants! Je ne saurais trouver de répit alors que la vie bat dans le corps de l'un d'eux.
- Mais tu en as déjà massacré grand nombre, Gwenäelle, n'est t'il pas temps que la paix règne sur cette terre ?
- Nous les elfes, notre destin est scellé, et nous nous devons d'exterminer cette race.
- Leur destin est scellé eux aussi.
- Que veux-tu dire ?
- Ils se doivent d'exterminer notre race.
- Tu le sais bien, nous sommes beaucoup plus puissant, beaucoup plus nombreux, et Elune notre déesse ne nous lâchera jamais, c'est une quête sacrée.
- Que son nom soit béni, j'ai pourtant épluché tous les livres, j'ai gratté tous mes manuscrits, et je n'ai trouvé trace de ta quête sacrée.
- Maudit soit-tu, comment oses-tu émaner de telles profanations ?

Ces yeux sont partis au rouge, je connaissais ce visage, j'ai été toujours amoureux d'elle depuis notre tendre enfance, mais elle était imprégnée de haine, de douleur, son obsession pour ces gnolls était sans limites.

J'ai baissé la tête en disant:
- Tu n'as pas lu un seul des livres que moi j'ai appris par coeur, tu ne connais rien d'Elune, ni de ses voies.
- Et toi tu n'as pas vu ce que les gnolls nous font, tu n'as jamais été dans un champ de bataille à les regarder décortiquer à coup de couteaux mal aiguisés ton frère d'armes devant tes yeux pendant que ses derniers hurlements te scient les oreilles.
- J'implore la perte de tous ceux qui nous défendent, mais je dédaigne la guerre, ne me racontes-tu pas ce que nous les elfes leur font ?
- Je te passe ces détails, rien n'apaise ma vengeance que la vue d'un gnoll éventré vif braisé sur la lave fraîche de notre saint volcan.
- Vengeance, quel mot horrible.
- Oui, vengeance ! , ils veulent s'emparer de la terre du milieu, notre terre à nous
- La terre c'est la terre, des races y viennent, y bâtissent, puis s'en vont pour laisser place à d'autres, la terre est symbole de vie, je ne conçois qu'on puisse vivre en en ôtant.
- Essaies-tu de me dire que sur notre terre, nous allons laisser vivre des gnolls?
- Oui je l'essaie, depuis le premier âge, cette terre du milieu a été piétinée par quasiment toutes les races, et ce ne sont que les gnolls et les elfes qui se battent pour elle, des milliers d'années à se battre, à s'entretuer, les pertes de parts et d'autres sont énormes, et nos clercs ne font qu'injecter leur perfidie dans les têtes de ceux qui ont vu la misère et qui cherchent un salut.
- Tu dois divaguer, tes livres te rendent fou, la terre du milieu est notre terre à nous, et personne d'autre n'a le droit d'y être, surtout pas les gnolls.
- Pourtant les orcs, vous les aimez bien, et vous les acceptez partout.
- Ce n'est pas la même chose, les orcs eux nous vendent des armes, nous aident financièrement parfois
- Certes, mais ils nous ont conquis les terres du nord, avec le sourire en prime
- Oui, ne mélangeons pas les histoires, les elfes du nord ne sont pas très en accord avec nous, et on ne les aimait pas de toutes façons, mais dés que les terres du milieu nous reviennent, et que les gnolls disparaissent de la surface, on reviendra sur le dossier terres du nord.
- Et les orcs qui vendent des armes aussi aux gnolls ? Cela ne te choque pas ?
- Non, c'est les règles du jeu, c'est des commerçants neutres eux.

Il n'y avait aucune logique dans ce qu'elle disait, mais j'ai voulu quand même continuer au risque de la dégradation de ce dialogue fortuit.

- Tu ne vois pas que les orcs ne font que nous monter les uns contre les autres ? Affaiblir l'unité des elfes, contrôler l'expansion des gnolls tout en jouissant de nos richesses?
- Non, ce que je vois c'est que tu refuses de voir les priorités, la terre du milieu d'abord, puis on traitera la menace des orcs si jamais menace il y'a, mais pour le moment, nous devons tous nous unir contre les gnolls, je suis sûre que tu n’oublieras jamais ce qu'ont fait les gnolls à ton père et à ta mère.

Je m'attendais un peu à cette dernière phrase, mes parents était des elfes paisibles, pieux, adorateurs de la nature, fervents disciples d'Elune et ne méritaient pas cette boule de feu venant de je ne sais d'où, mais sur quoi tout le monde est d'accord qu'elle soit d'origine gnoll, qui les transforma en corps pétrifiés dont l'odeur pestilentielle n'a jamais dédaigné quitter mon nez.

J'ai vécu avec cette image toute ma vie, je n'ai appris l'art de la magie que pour les venger, que pour voir frire des gnolls sous mes flots d'acide, que pour les voir supplier la mort de venir les prendre de mon bain d'adamantite en fusion, mais peu à peu, le choses sont devenues claires dans ma tête, cette haine m'empêchait de penser, cette haine paralysait mon esprit, cette haine ne me permettait pas de voir plus loin que le bout de mes cils, la vérité était ailleurs, bien cachée sous des tonnes de mensonges et d'intérêts et il fallait la chercher.

Sommes nous le bien et eux le mal ? J’en doute, l'histoire des elfes du nord est encore dans ma tête, tout le territoire pris par les orcs sous nos applaudissements, toutes les richesses pompées dans leur terre me chagrinais, deux corpuscules qui se battent depuis jadis, et rien dans leurs pauvres têtes que l'extermination de l'autre, mais celui qui va en bénéficier en jouit déjà.


- J'espère que mes paroles arriveront à raviver ta flamme. Rétorqua t-elle
- Ma flamme est toujours vive, mais elle brille la paix.
- Divague mon ami, je tranche des têtes pour cette paix dont tu rêves tant, tu vois cette épée ? C’est celle la ma colombe blanche.

Comparer son épée à une colombe, alors que le sang y est encore visible a coupé court à l'espoir que me suscitait notre dialogue, épée ? Colombe ? C’est horrible, la notion de paix est tellement différente entre nous, elle voyait la paix dans le sang qui giclait des corps inanimés, et je la voyais dans les sangs qui s'unissaient dans des corps qui s'aimaient.

Je ne voyais que du tort dans ce qu'elle disait, mais elle n'était pas seule dans cet état d'esprit, faire face à tout un mouvement elfique ? Marcher contre courant ? Mon existence meurtrie en est incapable, j'ai sorti ma phrase qui marche toujours face à qui ne dit vrai:

- Tu as raison.